Biodiversité, esthétique et design


Esthétique de la biodiversité chez les Moklen
Bio-mimétisme et design
Les machines volantes de Léonard de Vinci
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Esthétique de la biodiversité chez les Moklen


Les Moklen sont des semi-nomades du littoral sud-ouest de la Thaïlande. Ils sont un peuple de "l'entre-deux", entre la terre et la mer, collecteurs, cueilleurs et voyageurs dont la vie est rythmée par l'alternance des saisons et des marées. Pour cet article, on parlera plus particulièrement des Moklen de l'île de Ko Phra Thong habitant la mangrove.

Pour le peuple Moklen, c'est l'harmonie entre une nature authentique et la culture humaine qui apporte l'équilibre entre forêt et village, cultivé et sauvage. La main de l'homme apaise les différences au sein de la nature (entre la savane et la forêt, la mer et les canaux). Ainsi la nature et la culture s'enchevêtrent et s'ajustent pour arriver à une justesse idéale, diverse et esthétique.

  • Le déséquilibre n'est pas beau (comme l'absence d'arbre dans une nature dénature le paysage).
  • Ce qui n'est pas travaillé de la main de l'homme n'est pas beau.
  • C'est l'interaction des hommes et de la nature, le travail de l'un sur l'autre, qui donne une esthétique au paysage.

« Beauté » et « esthétique » dans la langue moklen

Dans leur langue, la notion de beauté est exprimée de multiples façons avec toujours des valeurs et des notions sous-jacentes. Le mot thaï « souay » signifie beau, joli. Le terme générique moklen « lasi » qui désigne ce qui est beau mais aussi l'écriture. « Colong » pour ce qui touche les nomades dans leur environnement physique, êtres humains, paysages.

Il faut ainsi différencier beauté et esthétique. La beauté peut-être dangereuse (elle peut être déséquilibre et dysharmonie) tandis que l'esthétique implique l'équilibre et l'harmonie. Les Moklen conçoivent donc leur environnement pour harmoniser leur rapport à la nature. C'est un acte de création qui tend à l'équilibre entre monde naturel et monde culturel. Ils organisent leur territoire (géographique et humain) pour le faire durer : renouvellement des ressources, alliance entre l'homme et la nature, un équilibre raisonné, un travail sur la biodiversité, un contrôle sur leur environnement. Ils sont capables de redonner vie à des terres inhabitables (friches industrielles, exploitation d'étain, mines à ciel ouvert, eaux empoisonnées), terres qui sont ensuite souvent récupérées par les touristes et les missionnaires.


« La nature est vivante, on s'adresse à elle comme à un être humain.

Il s'agit d'un système vivant composé d'éléments vivants dépendant les uns des autres.

Si les arbustes de la mangrove venaient à manquer, les crabes n'auraient plus d'ombre et partiraient, si les palétuviers mouraient, les coquillages n'auraient plus d'endroit où s'accrocher, si les poissons d'eau douce manquaient, les moustiques envahiraient l'île...

Les Moklen, parce qu'ils exploitent ce système, en sont automatiquement responsables : ils doivent veiller à prélever sur la nature sans que leur action ait de conséquences, sans, donc, que l'équilibre soit rompu.

C'est en cela qu'ils sont créateurs. »


L'appropriation de la nature

La « non beauté » (qui n'est pas pour autant de la laideur), cachée par une nature protectrice, a elle aussi ses trésors : un goût au palais singulier, des vertus médicinales ou bien des propriétés particulières que seul celui qui connait et apprécie la Nature entrevoit. Ainsi, la beauté de la mangrove rend invisible et protège les ressources les plus précieuses.

Les Moklen se mêlent à la Nature, se l'approprient en la nommant et en racontant son histoire, en narrant leurs ancêtres qui ont vécus sur ce territoire. Ils la modifient et « la socialisent tout en se naturalisant eux-mêmes. » Êtres de l'entre-deux, créateurs, ils adoucissent la foisonnante nature et se fondent dans leur paysage.


« Le village est donc l'endroit où naturel et non naturel se mêlent, « l'entre-deux » que les Moklen créent en portant la nature là où elle ne l'était pas, en rendant naturels des objets qui ne le sont pas au départ et non-naturelles des choses qui l'étaient. Ils créent donc une nature à leur image, où les êtres les plus importants sont ceux de « l'entre-deux » comme les abeilles, qui ont une mère à apparence humaine, mais aussi les oiseaux vivant entre ciel et terre, le crocodile (...), les coquillages et le crabe, vivant entre eau et surface. »


Le tsunami de 2004

Le tsunami de 2004 brisa l'harmonie du territoire, sa beauté également. Le peuple Moklen, propriétaire symbolique de l'île, se remit en travail de création sur ce champ de ruines et imposa son identité, à la fois aux Thaïs mais aussi aux multiples ONG importunes qui escomptaient imposer leurs vues en terme de développement durable (mais aussi d'économie, d'éducation, d'hygiène, de religion).

Les Moklen, tout en partageant et en concédant un peu de leur territoire, ont travaillés à faire renaître l'équilibre rompu. Grâce à leur savoir-traditionnel et à leur connaissance profonde de leur nature, ils ont créés leurs propres réserves naturelles, des microcosmes protégés, et ont remis en marche le principe de syncrétisme pour la biodiversité.

Article tiré de l'ouvrage Ethnocentrisme et création par Annie Dupuis, Jacques Ivanoff
Éditions de la maison des sciences de l'homme : l'Esthétique de la biodiversité, Olivier Ferrari.


Photographies (par ordre d'apparition) • Plage de Ko Phra Thong • Forêt de mangrove de Mai Ngam beach à Ko Phra Thong • Cajuput ou écorce d'arbre à papier (surnommée la Savanne de la Thaïlande) de Ko Phra Thong • Champs d'herbes à Ko Phra Thong • Plage de Phra Thong Island • Savanne de Ko Phra Thong • Savanne de Ko Phra Thong • Plage de Ko Phra Thong


Bio-mimétisme et design


La nature, source infinie d'inspiration

Toutes les ingénieries inspirées du vivant relèvent du biomimétisme : observer, analyser et modéliser le vivant en imitant ses processus, en étudiant ses éco-système et en transposant leurs stratégies systémiques. Comme la nature est merveilleusement cohérente, flexible et en constante évolution, c'est un modèle qui permet à l'homme d'élaborer des solutions sensées et écologiques à ses problématiques qu'il s'agisse de design, d'architecture, d'informatique... Au delà d'une incroyable travail d'analogie et d'inspiration, il s'agit aussi pour l'homme de tenir des enjeux de notre époque en gagnant en responsabilité et en proposant des solutions durables et éthiques.

Quelques exemples de biomimétisme à l'oeuvre :

De Vinci, un des pères du biomimétisme


Vous connaissez déjà probablement les machines volantes et futuristes de Léonard de Vinci, inspirées des vols des oiseaux, chauve-souris et cerfs-volants pour la conception de ses prototypes d'ailes, avec de la soie fine et du bois ! Génie italien à l'imagination de feu, il fut un des premiers à formuler la notion de biomimétisme dans ses recherches, croquis et inventions insolites.

« Apprenez de la nature, vous y trouverez votre futur »

Visionnaire, passionné par l'anatomie et la locomotion (automobile, parachute, vélo, scaphandre, hélicoptère...), il cherchait et trouvait la nature des solutions innovantes à ses visions : des palmes inspirées d’une membrane de poisson volant, un avion ressemblant à une chauve-souris, un char d'assaut à carapace de tortue, un lion mécanique, une soucoupe à quatre ailes.

« Tout art est une imitation de la nature » Sénèque


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